Parce que nous ne souhaitons pas la fermeture brutale de la station dans quelques années, parce nous voulons éviter les larmes et la colère des habitants, comme ce fut le cas dans d’autres massifs voisins, parce que la montagne emblématique du Bassin annécien mérite un avenir serein, réfléchi et pérenne… Parce que les déficits de la station sont structurels et nous obligent à repenser son modèle économique… Parce les jours d’enneigement se raréfient d’année en année et que les prévisions climatiques des scientifiques sont unanimes sur ce phénomène…Pour toutes ces raisons : nous réclamons la tenue d’un « Sommet du Semnoz » en 2025. Explications.
1. Pour ne pas vivre les conséquences catastrophiques d’un arrêt brutal.
Le Semnoz, montagne emblématique du Bassin annécien et des Bauges, est un véritable trésor pour les habitants. Un lieu de souvenirs, de loisirs, de contemplation et de communion avec la nature. Cet attachement profond se transmet de génération en génération, façonnant l’identité et la culture locale. Pour de nombreux Annéciens et Annéciennes, le Semnoz est l’écrin de souvenirs inoubliables : Les sorties de luge en familles, les premières descentes à ski, ou encore les pique-niques d’été sont autant de moments précieux gravés dans nos mémoires. C’est parce que nous y sommes si profondément attachés que nous souhaitons à tout prix que le Semnoz ne connaisse pas le même destin que plusieurs autres stations de moyenne montagne qui ont fermé leurs portes, souvent avec pertes et fracas, ces dernières années. Les exemples sont malheureusement nombreux. Proche d’ici, la Sambuy, fermée brutalement sur décision du Conseil municipal de Faverges en 2023. Nous nous comprenons la tristesse et la colère des habitants et des commerçants qui, attachés à leur station, en furent privés brutalement. L’Alpe du Grand Serre a connu le même sort. Après un premier vote où les élus de la commune de la Morte, en Isère, décidèrent la fermeture de la station, les soutiens ont afflué pour repousser l’échéance et accorder une année de sursis : « C’est un soulagement, on évite la catastrophe mais l’échéance est très courte » réagissait alors le Président de l’association de soutien, La Morte Vivante. La députée Marie-Noëlle Battistel plaidait alors la nécessité d’: «un plan pour la moyenne montagne. On doit sortir de la dépendance à la neige ». Cet automne, c’est aussi la station du Grand Puy dans les Alpes-de-Haute-Provence qui, à l’issue d’un référendum, a fermé ses portes.
2. Un maintien artificiel oui, mais jusqu’à quand ?
Les investissements inconsidérés consentis par les mandatures précédentes et la neige de moins en moins présente obligeant les remontées mécaniques à rester à l’arrêt, ont mis les finances de la station du Semnoz dans le rouge. Les déficits sont désormais structurels, la subvention d’équilibre du budget principal de l’agglomération du Grand Annecy vers la station augmente d’année en année : 643 000 euros en 2021, 855 000 euros en 2022, 1 291 000 euros en 2023. Combien en 2024 ? Autre argument, s’il en fallait : c’est désormais l’État qui alerte. Saisie par le préfet de Haute-Savoie en mai dernier, la Chambre régionale des comptes a rendu son verdict concernant la situation de la Chapelle d’Abondance : « compte tenu du caractère structurel du déficit de ce budget, cette subvention devait être considérée comme insincère. Elle apparaît en effet contraire au principe d’équilibre des services publics industriels et commerciaux posé par l’article L.2224-1 du CGCT, ces services devant être financés, sauf exception, par les usagers et non par le contribuable. ». Cette décision sonne comme un couperet : il faudrait augmenter le prix des forfaits adultes de manière drastique pour parvenir à l’équilibre. Impensable. Ce d’autant plus que les jours d’ouverture se réduisent d’hiver en hiver. Là aussi, la trajectoire est structurelle. 111 jours en 2020-21, 113 en 21-22, 61 en 22-23… Combien en 2024 ? Si certains climatosceptiques persistent encore à croire que nous avons affaire à des « années exceptionnelles », sous-entendu, que nous allons revenir à la normale des hivers du XXe siècle, il n’en est rien. Les faits scientifiques et les prévisions climatiques sont têtus. Depuis les années 1970, les relevés montrent que « le manteau neigeux des Alpes diminue globalement de 5,6 % par décennie et l’épaisseur de la couche de neige de plus de 8,4 %. » Dans un rapport inédit publié en mars dernier, intitulé « Les stations de ski face au changement climatique », la très sérieuse Cour des Comptes, alerte : « Les projections climatiques font état d’une accentuation à moyen terme » du réchauffement en montagne, souligne en particulier la Cour des comptes. « Toutes les stations de ski seront plus ou moins touchées à l’horizon de 2050 » et seules « quelques stations pourraient espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance ». Or, déplore la Cour des comptes, « les politiques d’adaptation menées par les acteurs de la montagne reposent essentiellement sur la production de neige » qui a « un effet à court terme » car « son coût est important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures ».Sans oublier « l’impact de la production de neige sur les ressources en eau », qui paraît « sous-estimé dans de nombreux territoires », souligne le rapport. « Il serait nécessaire que les autorisations de prélèvement d’eau destinées à la production de neige tiennent davantage compte des prospectives climatiques ». Avant que Pierre Moscovici, Président de la Cour, ne conclut : « « Il faut très clairement changer de vision, mettre en place une nouvelle gouvernance, élargir la focale, pour arriver à un modèle plus diversifié ».
Un « Sommet du Semnoz » pour penser l’avenir de notre montagne, ensemble, avec espoir et optimisme. Que souhaitons-nous pour le Semnoz demain ?
Face à ces défis environnementaux et économiques, il est crucial de repenser l’avenir de notre montagne. C’est pourquoi nous proposons l’organisation d’un « Sommet du Semnoz », un événement dédié à la réflexion collective et à la planification du devenir du Semnoz, afin de préserver, valoriser et pérenniser ce joyau naturel. Ce Sommet, que nous souhaitons le plus inclusif possible, devra rassembler l’intégralité des parties prenantes : habitants, commerçants, alpagistes, restaurateurs, représentants des différentes fédérations sportives (ski, randonnée, vtt, athlétisme, chasse…), associations environnementales, professionnels de la forêt, filière de l’outdoor, chercheurs…
Intégrer les enjeux écologiques :
Le changement climatique est une réalité qui affecte encore plus fortement nos montagnes car le réchauffement y est plus rapide qu’ailleurs. La diminution de l’enneigement naturel et l’augmentation des températures rendent de plus en plus difficile l’exploitation des stations de ski de basse et moyenne altitude. Le Semnoz n’échappe pas à cette tendance. Continuer à investir dans des infrastructures de ski devient non seulement économiquement absurde, mais aussi écologiquement irresponsable. Un « Sommet » dédié permettrait de discuter des autres chemins possibles.
Intégrer les enjeux sociaux, culturels et démocratiques :
Le Semnoz est un lieu de de nature, de loisir, de partage, d’élevage, de culture. Il est essentiel de préserver son aspect tout en adaptant les usages de la montagne aux réalités actuelles. Le « Sommet » devra impliquer les habitants dans la réflexion sur l’avenir de leur montagne, en recueillant leurs idées et en les intégrant dans les projets futurs. Des ateliers participatifs, des conférences et des débats publics pourraient être organisés pour favoriser une véritable concertation citoyenne.
Intégrer les enjeux Économiques et agricoles :
Le tourisme hivernal est un atout économique fort, mais une dépendance forte à ce dernier est dangereux. Diversifier les activités touristiques est une nécessité pour assurer une stabilité économique à long terme. Le « Sommet du Semnoz » pourrait être l’occasion de réunir des experts, des entrepreneurs et des représentants locaux pour explorer des modèles économiques innovants et durables.
Intégrer les enjeux de biodiversité :
La montagne du Semnoz abrite une biodiversité riche et variée, qui mérite d’être protégée. Le « Sommet » pourrait inclure des sessions dédiées à la conservation de la faune et de la flore, avec la participation de scientifiques et d’associations environnementales. La crise du Scolyte fait des ravages et oblige l’ONF à couper plusieurs dizaines d’hectares d’arbre. A terme, c’est toute la forêt du Semnoz qui sera touchée. Il y a urgence à investir massivement dans des moyens humains et financiers pour protéger notre forêt. Ensemble, nous pourrions élaborer des stratégies pour préserver et restaurer les habitats naturels. L’enjeu forestier est prégnant.
Une démarche proactive qui s’inscrit à la suite d’autres démarches pionnières.
Metabief avait montré la voie en engageant une réflexion sur son devenir dès 2016. Plus proche de nous, les États Généraux de la transition du tourisme en montagne avaient permis de créer des passerelles entre acteurs et territoires pour initier une réelle dynamique de réseau. Ce « Sommet » auquel nous aspirons est une opportunité unique de repenser l’avenir de notre montagne, en tenant compte des enjeux environnementaux, économiques, sociaux et culturels. En planifiant son avenir, nous serions les garants d’une transition réussie : co-construite avec les habitants, maîtrisant les impacts économiques et intégrant les enjeux écologiques, sociaux-culturels et de biodiversité.
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