“C’est que ces étrangers comme on les nomme encore, croyaient en la justice. Ces étrangers savaient quelle était leur patrie” écrivait Paul Eluard en 1950.
Au nom de l’idéal français ils se sont battus pour que “la France reste la France”. Une France fraternelle et solidaire. Une France accueillante et ouverte sur le monde. La France des droits de l’homme et des Lumières.
Né en 1906 à Adyaman en Arménie, Missak Manouchian n’a que 9 ans quand son père est tué par les Turcs. Une enfance volée par l’horreur du génocide arménien. Avec son frère il passe d’orphelinat en orphelinat, de famille d’accueil en famille d’accueil. Il cultive une passion dévorante pour les auteurs français, recopie dans ses cahiers les poèmes d’Hugo ou de Baudelaire. En 1924, il débarque à Marseille, avec espoir, pour rejoindre son frère qui travaille alors à la Seyne sur Mer. Il gagne ensuite la capitale et se fait embaucher aux usines Citroën, “toujours ivre de papier et de livres”, comme il l’écrit dans son poème “Vers la France”.
Dans les années 30 alors que la peste brune gagne l’Europe, les immigrés arrivent par milliers en France, rêvant d’une vie meilleure, attirés par le pays de la Révolution. Mais la crise de 1929 sévit aussi ici. Manouchian est licencié car sans papier. Il écume alors les universités, va de bibliothèque en bibliothèque, enchaîne les petits boulots. Toujours avec foi en l’humanité, toujours avec dignité. Commence alors son engagement militant et politique: en 1934, alors que l’histoire s’emballe en Allemagne, il adhère au PCF et rencontre Melinée qui deviendra sa femme. La victoire historique de 1936 du Front populaire, n’apporte qu’une courte accalmie. En Italie, en Espagne et en Allemagne, le ciel s’assombrit, l’orage fasciste gronde.
Le 03 septembre 1939, le pire advient, la France entre en guerre contre l’Allemagne. Missak, comme beaucoup d’étrangers est enrôlé dans l’armée. Après la débâcle, la Résistance s’organise face au régime collaborationiste de Vichy et aux occupants Nazis. La lutte armée est malheureusement inéluctable. Missak Manouchian rejoint les FTP-MOI et l’armée française de la Libération en février 1943. Avec ses camarades “étrangers”, italiens, espagnols, polonais, hongrois, arméniens et d’autres encore, il fait preuve d’un incroyable courage, au nom de l’idéal de liberté, d’égalité, de fraternité.
Le 21 février 1944, le résistant communiste Missak Manouchian, rescapé du génocide arménien, ouvrier et homme de lettre est fusillé par les Nazis avec 21 de ses camarades des FTP-MOI au Mont-Valérien.
Avant de mourir, il écrivait une dernière fois, à Melinée, celle qu’il avait tant aimé, et ses mots respiraient une nouvelle fois l’humanité :
“Je m’étais engagé dans l’armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter à la douceur de la liberté et de la paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous !”
Par deux fois, alors qu’il la demandait, la nationalité française lui fut refusée. Le 21 févier dernier, le peuple français l’honorait donc enfin, 80 ans jour pour jour après sa mort.
Paradoxe d’un temps, c’est à l’heure où les thèses d’extrême droite infusent le débat public, où une loi anti-immigration vient d’être votée par l’Assemblée, où le fascisme revient partout en Europe et en France que Missak Manouchian, immigré, communiste, “entre ici au Panthéon”.
Comble d’un temps, c’est sous les yeux des héritiers de ses bourreaux que Manouchian, l’internationaliste, antifasciste, sera panthéonisé.
“Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante” peut on lire sur le fronton de l’édifice.
Refusons le repli sur soi et l’obscurantisme. Tâchons de faire vivre cet idéal humaniste pour lequel Missak Manouchian, 21 de des camarades du FTP-MOI et tant d’autres se sont battus.
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